31 janvier 2025
2025 débute à l'heure US, et avec elle l’occasion de repenser nos façons de construire et d’habiter. Ce mois-ci, nous mettons à l’honneur les bâtiments passifs américains au moment où les effets du réchauffement climatique s’accélèrent.
L'Édito,
2025 débute à l'heure US, et avec elle l’occasion de
repenser nos façons de construire et d’habiter. Ce mois-ci, nous mettons
à l’honneur les bâtiments passifs américains au moment où les effets du
réchauffement climatique s’accélèrent.
Ensemble, explorons comment allier innovation et durabilité pour bâtir un futur responsable.
Bonne lecture et belle année à tous.
Une maison passive résiste aux flammes en Californie
Source Instagram : _likealeaf
Lors des récents incendies de forêt qui ont ravagé le comté de Los Angeles, une maison construite selon les principes de la maison passive est restée intacte alors que tout le quartier a été réduit en cendres. Cet événement met en lumière la robustesse et l’efficacité de cette norme de construction innovante.
Les maisons passives consomment jusqu’à 90 % d’énergie en moins pour le chauffage et le refroidissement par rapport aux bâtiments conventionnels. Conçues pour une performance thermique maximale, elles offrent une isolation supérieure, une étanchéité optimale et une ventilation efficace. Ces caractéristiques ne se traduisent pas seulement par des économies d’énergie, mais aussi par une plus grande résilience face aux conditions extrêmes, comme les incendies ou les vagues de chaleur.
À l’heure où le changement climatique accroît la fréquence des catastrophes naturelles, l’adoption de la norme Passive House pourrait devenir une solution incontournable pour conjuguer efficacité énergétique et sécurité. Une construction plus durable et résiliente, c’est un avenir mieux protégé pour tous !
La Californie franchit une étape historique vers une énergie 100 % renouvelable
En 2024, la Californie a réalisé une prouesse énergétique majeure en atteignant une production d’énergie renouvelable couvrant plus de 100 % de la demande électrique sur son principal réseau pendant un record de 98 jours, entre mars et juin. Cette performance, issue d’une augmentation significative de la production solaire (+31 %), éolienne (+8 %) et du stockage par batteries (+105 %), a permis une réduction d’environ 40 % de la consommation de gaz fossile.
Contrairement aux idées reçues, cette transition massive vers les énergies renouvelables n'a pas provoqué de pannes ni d’augmentations de coûts excessives. Au contraire, les États américains ayant une forte proportion d’énergie éolienne et solaire enregistrent généralement des prix de l’électricité inférieurs.
Ce succès illustre la viabilité d’un réseau électrique fiable, alimenté à 100 % par des sources renouvelables. Il conforte les modèles théoriques qui prédisent la faisabilité d’une transition énergétique mondiale vers une électricité propre et durable. L’étude met également en avant le rôle crucial des batteries, permettant de stocker l'excédent de production solaire en journée pour une utilisation nocturne, contribuant ainsi à la stabilité du réseau.
Avec ces résultats impressionnants, la Californie se positionne comme un modèle pour le reste du monde, prouvant que la transition vers une énergie entièrement renouvelable est non seulement possible, mais bénéfique économiquement et environnementalement.
Passivhaus : Une croissance mondiale impressionnante
La carte ci-dessus illustre la répartition des certifications Passivhaus à travers le monde, mettant en lumière l'engagement croissant pour une construction durable et écoénergétique.
Les chiffres clés :
Europe : Leader mondial avec 2 978 800 m² de surface certifiée.
Asie : En pleine expansion avec 711 100 m² de surface certifiée.
Amérique du Nord et Latine : 310 900 m² de surface certifiée, témoignant d'un intérêt grandissant.
Sud-Pacifique : 66 400 m² de surface certifiée, avec un potentiel prometteur.
Ces données témoignent de l'impact global du standard Passivhaus, favorisant des constructions plus économes en énergie, confortables et respectueuses de l’environnement.
Le portrait du mois
Aujourd'hui, c'est Boris RYBALTCHENKO qui répond à nos questions.
Présentez-nous votre entreprise et votre parcours professionnel.
BRAV, c’est une agence d’architecture dont le nom est autant un clin d'oeil qu’une démarche face au dérèglement climatique. L’agence BRAV accompagne les maîtres d’ouvrage en s’entourant de professionnels qui sont sensibles au fait de “ Bâtir, Rénover, Avec le Vivant ”.
Il s’agit dès la phase d’audit d’inverser les points de vue, avec humilité et bon sens, pour concevoir et trouver des solutions vers le Passif afin que le bâtiment puisse également participer activement au développement des vivants tels que les oiseaux, végétaux ou pollinisateurs.
Cette démarche engagée est celle d’un processus qui consiste à considérer la terre, le vent, le soleil, la pluie ou le sol comme des entités vivantes qui font partie du vivre ensemble et pas seulement comme des données bioclimatiques.
Pour quelles raisons avez-vous choisi de développer le standard passif ?
Avant de m’orienter vers des études d’architecture, j’ai effectué un cursus de mathématiques de la décision à l’université de Paris Dauphine ce qui m’a permis de ne pas me tirer les cheveux à la moindre addition, même si aujourd’hui j’ai bel et bien perdu mes cheveux !
La rigueur du Passif me plaît et fait que ce standard est désormais incontournable, mais bâtir ou rénover un bâtiment ne peut pas se cantonner à la seule optimisation de l’empreinte énergétique ou carbone. Car le moindre degré d’incertitude exclut généralement une multitude d’univers vivants ce qui pose un problème dans le contexte de sixième extinction de masse de la biodiversité.
J’entrevois la rénovation à la manière d’un jardinier diplomate qui expérimente en se tenant à l’écoute des retours d’autres professionnels car les recettes et les matériaux du passé sont désormais inappropriés ou à réinventer. Dans cet esprit, concernant par exemple le Phpp, j’ai essayé les outils de conception paramétrique d’Honeybee-Ph développés sur grasshopper par Ed May et le Passive House Network. Je crois à l’intelligence collective.
Selon vous quelles sont les compétences/connaissances incontournables pour réaliser dans les règles de l’art un projet de construction/rénovation passive ?
Les règles et les compétences requises pour une certification en passif sont claires et précises. Mais le rôle de l’usager reste déterminant en ce qui concerne l’impact énergétique du bâtiment.
Même si pour le concepteur la démarche du “faire avec” passe par la rigueur, la curiosité et la remise en question des certitudes qui ont mené à l’emploi de tels ou tels matériaux ou de tel ou tel système, c’est l’usage qui va faire la différence sur la durée de vie du bâtiment.
Il me semble qu’au delà du manuel d’utilisation d’un système d’optimisation énergétique, il s’agit de transmettre un récit, une histoire qui dépasse celle du bâtiment pour le relier à un contexte dont il fait partie et dans lequel il y a une chaîne de responsabilités et d’effets boomerang très réels. C’est aussi en cela que la cohérence de la conception est déterminante et qu’elle engage autant le concepteur que l’utilisateur. Au fond, étant donné l’instabilité du monde actuel et les bouleversements climatiques qui ne font que commencer, la question qui se pose est “ comment situer le projet ? ”. Il s’agit de voir loin dans la mesure du possible en s'entourant de professionnels qui partagent un point de vue commun et en réseau.
Nous sommes en train de traverser une crise qui touche le prix des matières premières, comment faites-vous face à cette situation ?
Oui, les prix sont chers et c’est là toute l’importance d’une conception judicieuse et pertinente.
Au-delà du coût de l’investissement, l’approche en coût global permet de prendre du recul, de relativiser financièrement la conception et de faire sens en ce qui concerne la stratégie qui s'inscrit autant dans un souci environnemental que de rentabilité. Car les coûts directs d’investissement ne représentent qu’une partie des coûts sur la vie d’un bâtiment. Je veux dire que le choix de telle ou telle ressource est désormais à situer aussi bien à l’échelle de la planète qu’au vu des effets boomerang engendrés économiquement et climatiquement.
On se rend compte que tout est lié et que ce sera de plus en plus tendu. A mon sens, il est urgent de prendre parti. J’essaye de m’entourer de professionnels qui ont le même souci du vivant et de la qualité technique de mise en œuvre telle que pour la paille, le chanvre ou le bois.
A l’heure actuelle, pensez-vous que le passif soit la solution pour rendre la construction plus soutenable et pourquoi ?
Si la démarche du Passif est énergétiquement vertueuse en allant vers plus de sobriété, c’est l’expertise du concepteur qui permet de rendre la construction plus ou moins soutenable.
Je pense que les dogmes, les axiomes, les principes à appliquer au pied de la lettre nécessitent d’être abordés et questionnés suivant le contexte. Cela permet d’avancer, de stimuler l’imagination, de repositionner les certitudes qui ont conduit là où nous en sommes.
Par exemple, dans certains cas, vouloir installer à tout prix une vmc double flux sans rechercher une solution low tech comme la ventilation naturelle même assistée me semble une question à se poser aussi bien financièrement que dans la pratique : qui va changer les filtres et combien ça va coûter ?
Certains arbitrages sont complexes et la solution du Passif ne peut pas répondre à toutes les problématiques de soutenabilité, ce n’est pas l’idée je crois.
Pourriez-vous partager un moment mémorable ou une réalisation dont vous êtes particulièrement fier dans votre parcours professionnel ? Expliquez votre choix.
Dans le cadre d’audits énergétiques, j’ai convaincu une copropriété d’installer de simples jardinières intégrées à l’isolation du bâti avec un système de récupération d’eau de pluie et d’arrosage automatique en goutte à goutte. Ces jardinières apportent de la fraîcheur en été, et participent à la qualité de vie des habitants et des riverains.
Ce qui me rend fier c’est autant le sourire d’un habitant que de constater que ce dispositif s’est mis à vivre en devenant un lieu de pause pour des libellules, abeilles, mésanges, ou merles qui participent également au confort en mangeant les moustiques qui eux-même participent à la pollinisation des fleurs.
Le pire n’est pas certain, et je trouve inspirant ces deux vers du poète Adonis :
“Apprendre le courage d’une luciole
Qui porte le feu sur des ailes si petites”.
Merci Boris pour cet échange et ce retour d'expériences !