18 novembre 2020
Si aujourd’hui l'Ep-R (Energie primaire Renouvelable) se distingue comme un critère incontournable pour l’accès aux labels à énergie positive (Passivaus Plus ou Passivaus Premium), la vérification du critère d'Ep-R reste optionnelle en cas d’absence de production locale d’électricité (sur site) ou lorsque seul le niveau Classique est visé.
I. Ep-R : une vision future
i. Genèse de l’Ep-R :
Le standard Passivhaus promeut des bâtiments à très haute efficacité énergétique, en visant à parfaire l’enveloppe thermique vis-à-vis des critères du label. Pour ce faire, le mode de construction passive a toujours privilégié une approche d’obligation de résultats plutôt que de moyens. Afin de récompenser les bâtiments à production locale d’électricité, qui n’étaient jusque-là pas différenciés des bâtiments passifs classiques, les labels Passifs Plus et Premium ont vu le jour. Ces derniers établissent un minimum de production via des solutions à base d’énergies renouvelables, tout en visant une baisse significative des consommations en énergie primaire.
ii. Constat actuel :
On considère qu’en Union Européenne plus de 40% des bâtiments ont été construits avant 1960, et 90% avant 1990. La durée de vie moyenne des bâtiments est supérieure à 100 ans ; en Allemagne à titre d’exemple, la durée de vie moyenne des bâtiments est de 115 ans. En effet, le parc immobilier neuf ou récemment rénové se reposera pour son approvisionnement énergétique sur des solutions futures pour une grande partie de sa durée de vie. Donc afin d’évaluer les bâtiments efficaces énergétiquement que l’on construit ou que l’on rénove aujourd’hui, il faut se projeter sur l’avenir et considérer l’évolution du mix énergétique dans le temps.
Le recours à des solutions durables émane de l’urgence climatique et du fait que si l’on souhaite rester en-dessous de la barre des 2°C de réchauffement climatique, il serait nécessaire de repenser nos modes de consommation et de production d’énergie. C’est dans ce sens qu’optimiser les performances énergétiques des bâtiments en se basant sur le mixte énergétique actuel est insuffisant pour fournir une évaluation réelle et fiable des indicateurs de performances environnementales et énergétiques.
iii. Postulats & hypothèses :
Le principe d’Ep-R traduit une vision future qui part du postulat qu’aux environs de 2050-2060, la part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique mondiale sera prépondérante contrairement aux stratégies énergétiques actuelles.
De manière similaire aux scénarios de Greenpeace, de l'Ademe ou de Négawatt (figure ci-après), cette approche démontre qu’en alliant sobriété et efficacité, une matrice énergétique 100 % renouvelable est possible dès 2050.
iv. Les limitations des énergies renouvelables : (PV, Hydraulique & éolien)
• La disparité des disponibilités des énergies renouvelables selon le lieu géographique et les conditions météorologiques. La production fluctue constamment et peut même être presque inexistante. Le déphasage constaté entre les pics de production et les profils de consommations donne lieu à des phases de pénurie ou de surproduction. Ce caractère intermittent couplé aux inégalités en matière de gisement éolien et solaire rend le recours à des systèmes de stockage indispensable.
• Les énergies renouvelables ont une faible densité de puissance et nécessitent donc de plus grandes surfaces pour produire suffisamment d'énergie. Cette contrainte spatiale alliée à la valeur en constante augmentation du foncier rendrait très coûteux une implantation massive des installations photovoltaïques et éoliennes par exemple.
• Une implantation massive pour couvrir la consommation globale de la population est pour des raisons technologiques impossible aujourd’hui, et aurait un impact environnemental non négligeable.
v. Quelles solutions pour faire face à ces limites ?
Les solutions de stockage sont en constante évolution et les alternatives disponibles sont prometteuses. C’est ainsi que le surplus de production d’électricité pourrait être stocké via un :
• Stockage à court terme : pompage/turbinage, batteries, volants d’inertie, etc.
• Stockage à moyen et long terme : une première étape serait l’obtention de l’hydrogène par électrolyse, par la suite en distinguant deux utilisations :
Power-to-Gas : transformation en méthane avec injection dans les réseaux (gaz de ville) et/ou retransformation en énergie par la suite via centrales à cycles-combinés.
Power-to-Liquid : le gaz est ensuite transformé en hydrocarbures ou produits chimiques liquides (méthanol, ammoniaque, etc.)
Il faudrait prendre en considération le potentiel d’intégration des systèmes d’EnR dans le parc déjà existant pour un usage optimisé de l’espace disponible. De ce fait, il est primordial d’intégrer cette réflexion dans les plans d’aménagement urbain dès le départ pour les parcs neufs et rénovés, afin de maximiser les apports et d'optimiser la répartition.
Suivant cette perspective, l’approche Passivhaus prend tout son sens car elle prône une réduction conséquente des consommations du parc immobilier, ce qui rend le recours exclusif aux énergies renouvelables une approche vraisemblable, contrairement à une approche où le modèle de consommation actuel stagne, voire même augmente.
II. Labellisation Passivhaus selon le critère de l’Energie primaire Renouvelable
i. Labels Passifs Plus et Premium :
Les critères de consommation pour l’accès à ces nouveaux labels s’affichent, que ce soit en rénovation ou en neuf, comme suit :
La principale particularité est que la production est évaluée en se référant à l’emprise au sol, qui n’est autre que la projection orthogonale de l'enveloppe thermique du bâtiment. Cela afin de ne pas pénaliser les bâtiments à plusieurs étages et favoriser la densification urbaine. En effet, si on part de l’hypothèse qu’un immeuble collectif et une maison individuelle affichent une même consommation en Ep-R (35 kWh/(m²a) en besoin d’énergie finale et 45 kWhEp-R/(m²a) en consommation d’Ep-R, une évaluation de la production locale d’électricité selon l’emprise au sol se dresserait comme décrit dans le tableau ci-dessous :
Ayant la même emprise, ces deux bâtiments nécessiteront le déploiement d’une installation PV de taille/potentiel similaire pour accéder au label Passif Plus, contrairement à une approche Net-Zero par exemple.
ii. Les facteurs d’Ep-R ; comment sont-ils déterminés ?
Les facteurs d’Ep-R sont définis par le rapport entre la génération et la demande. La formule est la suivante :
Cette concordance entre la génération et la demande signifie que les facteurs d’Ep-R dépendent en premier lieu du site ; étant donné que chaque climat présente un potentiel en matière d’une ou plusieurs sources d’énergies renouvelables. Et avec une distribution annuelle qui diffère d’un lieu à l’autre.
La figure ci-après montre la différence du potentiel pour le solaire photovoltaïque entre Abu Dhabi et Strasbourg :
Les facteurs d’Ep-R dépendent aussi de l’usage, puisque chaque usage à un profil différent, à l’instar du climat Européen où la production en énergies renouvelables sera souvent inférieure aux besoins de chauffage durant l’hiver, mais largement supérieure aux besoins en refroidissement pendant la période estivale. De ce fait, les facteurs d’Ep-R pour le chauffage seront supérieurs à ceux de refroidissement à cause des pertes de stockage. Parallèlement, les besoins en eau chaude sanitaire et en électricité spécifique restent quasiment constants pendant toute l’année. Bien entendu, cette nouvelle approche aura tendance à favoriser certains modes de production d’énergie par rapport à d’autres. Puisque les facteurs d’Ep-R pour le bois par exemple considèrent qu’une part est employée pour le bois d'oeuvre. Ainsi, il serait nécessaire de veiller à ce que ces usages prioritaires de la biomasse en tant que matériaux de construction n'entrent pas en conflit avec ses usages énergétiques. Chose qui n’est pas considérée aujourd’hui pour les facteurs d’Ep non renouvelables, où les énergies renouvelables sont présentées comme étant disponibles de façon abondante et sans limite, tout en n’ayant aucun impact environnemental négatif.
III. Essentiels & perspectives
A quoi bon produire à grand frais de l'énergie renouvelable pour la gaspiller dans des bâtiments énergivores ? Avant de se pencher sur les questions de production d’énergie, Il est impératif d’introduire et d’appuyer les mesures d’efficacité énergétique pour le secteur du bâtiment qui représente 45 % de la consommation énergétique de la France, 25 % de ses émissions de CO2. Sans cela, un recours exclusif aux énergies renouvelables sera difficilement réalisable.Par ailleurs, la collaboration entre pays est une solution pour répondre à leurs besoins énergétiques respectifs, surtout pour l’Europe où les réseaux électriques sont interconnectés.
La coexistence entre la vérification selon l’énergie primaire non renouvelable et l’énergie primaire renouvelable est toujours d’actualité pour l’obtention des labels Classique et BaSE. Aucune date de bascule n’est connue à ce jour.